La souris et les vers

Cet été, je vivais entre les pots en terre et les produits de traitement, dans une cabane de jardin au fond d’un potager. La nourriture trop rare m’avait poussé hors de la remise. La froidure de fin l’automne testait ma jeune fourrure grise. Affronter cet environnement rude et hostile m’était insupportable. Trouver un gland ou une châtaigne chaque matin devenait un peu plus difficile. Jusqu’au jour où je découvrais une nouvelle habitation sur le sol.

Cet hiver, je suis installé dans un composteur, un vrai royaume. J'occupe cet espace protégé avec de nombreux animaux, dont un de mon espèce : une jolie femelle souris. Nous partageons ensemble les recoins de ce milieu, croisant çà et là des vers, collemboles et autres détritivores. La douce chaleur de notre habitat invite les hôtes à demeurer en paix.

Je n’avais jamais connu une telle abondance de nourriture. Périodiquement une ombre déverse sur nos têtes une impressionnante quantité de légumes, bouts de fruits et divers aliments. Le ventre plein, nous avons le loisir de penser à notre descendance.

Des graines germent, le printemps s'annonce et je constate que la population des vers augmente rapidement. En quelques jours, ils envahissent toutes les niveaux, colonisent nos vivres, s’invitent dans notre nid. Ma compagne me reproche de tolérer leur présence et exprime avec angoisse un déménagement avec nos enfants.

Ce matin, à petits pas, j’ai remonté la grande galerie qui conduit à la surface du composteur. Sous un grand soleil, j’ai inspecté les abords et reconnu ma cabane de jardin. Elle accueillera notre famille, dès que le duvet recouvrira le corps fragile des petits.