Titre: Le ver qui n’aimait plus la terre
Auteur: Alain
Année: 16 août 2015
En début de nuit, un ver remonte lentement du sol pour manger à la lueur de la lune. Il existe un ailleurs plus lumineux que la noirceur de sa terre ! Cette révélation détourne le ver de sa quête de nourriture. Le ver rampe maintenant sur un sol inconnu, plus noir, plus odorant, plus dur. Le ver s’arrête. En quelques instants, il s’est projeté loin des siens, attiré par des visions chimériques. Le sol s’éclaircit et les raies du soleil dessinent çà et là des ombres. Se souvenir, se souvenir de la terre.
Dès la sortie de sa galerie, la douce lumière enrobe ses ondulations et découpe les mets de son repas.
Méticuleusement, le ver fouille les alentours à la recherche des restes de frondaison.
La dernière pluie et le vent ont tapissé le relief d’un monticule de feuilles tendres et souples.
Pour gouter l’ultime fraicheur, le ver entreprend son ascension.
A cet instant il regarde au-delà du sol, plus haut que son habituel horizon.
Le scintillement des étoiles modifie la perception de son environnement.
La nuit fraiche est propice à l’aventure, il avise de se déplacer au plus loin, là où sa vue porte.
Les soies graciles de ses segments accrochent et tractent son corps.
La peau se tend et souffre sur des matières hostiles : colorées, lisses ou abrasives.
La nuit s’avance avec son cortège de bruits insolites et de vibrations inquiétantes.
Les souvenirs de la chaleur protectrice de sa terre nourricière contrastent avec l’ambiance de ce milieu.
Pourquoi cette excursion ?
Est-elle le fruit de sa curiosité, de son inconscience ?
Doit-il poursuivre son déplacement ?
De nouvelles sensations lui indiquent maintenant que son être est en péril.
Le ver lève la tête pour voir les étoiles. Elles sont invisibles et une lueur rouge pointe à l’horizon.
Le ver pressent ce danger si souvent raconté.
Sans attendre, il se tortille pour faire volte-face, et rassemble ses forces pour rejoindre au plus vite sa galerie.
Un bec frappe.
Une brise légère enveloppe le ver.