Titre: Le coup de couteau du soleil dans le dos de villes surprises
Auteur: Aimé Césaire
Publication: Soleil cou coupé
Année: 1983
Et je vis un premier animal et je vis un second animal il était couché sous un bois de dragonnier des deux côtés de son museau de chevrotain comme des moustaches se Je vis un troisième animal qui était un ver de terre mais un vouloir étrange animait la bête d'une longue étroitesse et il s'étirait sur le sol perdant et repoussant sans cesse des anneaux qu'on ne lui aurait jamais cru la force de porter et qui se poussaient entre eux la vie très vite comme un mot de passe très obscène Alors ma parole se déploya dans une clairière de paupières sommaires, velours sur lequel les étoiles les plus filantes allaitent leurs ânesses le bariolage sauta livré par les veines d'une géante nocturne ô la maison bâtie sur roc la femme glaçon du lit la catastrophe perdue comme une aiguille dans une botte de foin une pluie d'onyx tomba et de sceaux brisés sur un monticule dont aucun prêtre d'aucune religion n'a jamais cité le nom et dont l'effet ne peut se comparer qu'aux coups de fouet d'une étoile sur la croupe d'une planète sur la gauche délaissant les étoiles disposer le vever de leurs nombres les nuages ancrer dans nulle mer leurs récifs le cœur noir blotti dans le cœur de l'orage nous fondîmes sur demain avec dans nos poches le coup de couteau très violent du soleil dans le dos des villes surprises
il avait un corps de crocodile des pattes d'équidé une tête de chien mais lorsque je regardai de plus près à la place des bubons c'étaient des cicatrices laissées en des temps différents par les orages sur un corps longtemps soumis à d'obscures épreuves sa tête je l'ai dit était des chiens pelés que l'on voit rôder autour des volcans dans les villes que les hommes n'ont pas osé rebâtir et que hantent éternellement les âmes des trépassés
détachaient deux rostres enflammés aux pulpes